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Aichapapillon

28 juillet 2008

En compagnie de Sherlock...

Une pause pour se retrouver un peu...

En attendant, je vous propose de regarder le premier épisode du Sherlock Holmes interprété par le très distingué Jeremy Brett (selon moi le meilleur interprète)...A bientôt!


Sherlock Holmes 1x01 partie 1
envoyé par XxprunexX

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25 juillet 2008

Sherlock Holmes au pays des fées...

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Richard (Dickie) Doyle, né en septembre 1824, est éduqué à la maison par un tuteur (un certain Mr Street) et par son père John Doyle, caricaturiste politique de renom au début du XIXème siècle. Il prend très tôt la même voie que son père puisque c’est à l’âge de dix-neuf ans qu’il est engagé comme illustrateur par le magazine humoristique anglais « Punch ».

         

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Richard devint très vite l’illustrateur par excellence de l’ère Victorienne. Ses dessins ornèrent la couverture du Punch de 1849 à 1954.

Punch

Fasciné par les contes de fée, il illustra de nombreux livres pour enfants particulièrement ceux ayant pour thème les elfes et le monde féérique, dont  certains contes de Grimm.

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Illustration de "Poucette"

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ça vous dit quelque chose?

Il meurt le 11 décembre 1883 suite à une crise d’apoplexie.

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Il est - pour l’anecdote et pour faire une transition habile pour mon prochain article - l’oncle du Sir Arthur Conan Doyle, le célèbre créateur du génial et charismatique Sherlock Holmes. Dans la famille Doyle, tous les enfants ont plus ou moins des dons artistiques. Ainsi Charles Altamont Doyle, le frère de Richard et père de Conan, à l'oeuvre et à la vie beaucoup plus tourmentée semble lui aussi hanté par les lumières flottantes de féérie…

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Les cloches de St Gils de Charles Altamont Doyle

Oserais-je conclure que le grand Sherlock Holmes aurait hérité son esprit brillant de quelque ascendance elfique?...Etonnant pour un personnage aussi axé sur la raison!...

24 juillet 2008

Ces mots dits

Je voudrais que ces mots

Te touchent

Comme la plume

De mes doigts

                                         Ces mots

                                         Qui ne sont que des ailes

                                         Ces mots qui n’en sont pas

Orphelins du souffle

Jamais dits

Enfilés

Bien serrés

Sur le fil de ma voix

                      Le verbe est un récif

Où je me suis brisée 

Maintes fois

Je ne me souviens plus

Mais la brisure est là

 

Cette peau dévêtue

Ce manteau de chagrin

Comme une nuit

Usée  qu’on referme au matin

Après avoir mordu

Le fruit amer

D’un amour sans écho

Ces mots germés

Au terreau des silences

Aux ruisseaux de nos larmes

Au soleil de nos croix

Ces mots

Dont le feuillage

Abrite des oiseaux

Aux ramures du songe

Et qui prennent racine

Au marbre des tombeaux

Tous ces mots

Hémophiles

Qui font serrer les dents

Et nous laissent sans voix

23 juillet 2008

Maurice Béjart et Baudelaire

Bejart

G.F : Vous adorez Baudelaire, chez qui l'on trouve à la fois une élévation spirituelle et une insistance sur le corps, les sens...

M.B: Il y a chez Baudelaire un côté très religieux, voire mystique, et également une dimension prophétique. Certains de ses textes paraissent si contemporains que l'on a de la peine à croire qu'ils ont été écrits au XIX ème siècle. Dans le spectacle que je lui ai consacré, on lisait des passages tels que celui-ci:"la mécanique nous a tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous la partie spirituelle, que rien parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou antinaturelles des utopistes ne pourra être comparé à ses résultats positifs. Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie." Un spectateur sur deux est ensuite venu me voir et me disait:"Il n'a pas pu écrire cela au siècle dernier!" Connaissez-vous cette autre phrase de Baudelaire?:"Avis aux communistes: tout est commun, même Dieu." Surprenant, non? Et j'en découvre encore tous les jours.

Propos recueillis par Gilles Fracet, Nouvelles Clés, 1988.

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L’Etranger

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
- Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d’une parole dont le sens
m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J’ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L’or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J’aime les nuages... les nuages qui passent...
là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !

(Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris - 1869)

N'ayant pas trouvé un extrait de ce spectacle de Béjart sur Baudelaire, en voici un autre ayant pour titre "l'amour fou" et pour fond musical le grand Jacques, ce qui, je crois, n'est pas hors sujet...


amour fou
envoyé par btayeb

22 juillet 2008

Soleil noir

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La vie m’a joué un tour.

Elle me connait si bien, tous mes travers, tous mes penchants, elle sait comment me perdre, comment me retrouver. Elle connait jusqu’aux racines de mon cœur. Elle est la terre fertile dans laquelle je grandis irrémédiablement, malgré le vent, malgré la soif parfois si vive si intense, cette soif de lumière quand la nuit s’éternise.

La vie me tient par la racine. J’ai beau râler, geindre, la rabrouer, je ne suis rien sans elle. Elle et moi sommes comme les vieux amants de la chanson : « de l’aube claire jusqu’à la fin du jour », c’est son chant qui fait vibrer mes veines.

Elle m’a porté jusqu’à ce jour, jusqu’à cette rue montante et sombre, jusqu’à cet entrepôt étroit au fond duquel un homme.

Je ne me suis pas méfiée ; il avait grise mine derrière sa caisse jaune et ses papiers en vrac. Aucun soleil ne pouvait arriver jusque là. Et mon cœur était resté à la porte comme un chien attendant patiemment sa maîtresse. Je rêvais d’être ailleurs et pourtant j’étais là. J’ai appris que la vie est jonchée de misères autant que de beauté. J’ai appris à accepter cela. J’ai même appris à l’aimer telle qu’elle est cette passante folle.

L’homme m’a serré la main. Il paraissait surpris. Il sortait de sa grisaille, un peu étourdi par ce réveil soudain. Je ne voyais rien venir, seulement cet homme courbé qui me serrait la main. Puis nous avons parlé. Rien de très mémorable au début…du moins je ne m’en souviens pas. Seulement ses yeux. Ses yeux étrangement m’avaient saisie. Je ne me méfiais pas. Je disais des mots bas, des mots sans intérêts, aucun silence pour me sauver de ces yeux-là.

« Un café, voulez-vous un café ? Asseyez-vous… » L’homme avait un accent étrange, différent de celui auquel j’étais habituée. Il venait d’un pays où longtemps j’avais voulu aller. Puis nous avons glissé ensemble.  Je n’ai rien vu venir. Il s’est mis à parler de lui. Il a parlé longtemps. Il n’en revenait  pas. C’est toujours comme ça que ça commence. On dérape et on est surpris que l’autre vous rattrape. Et je l’ai rattrapé. J’ai pris un autre café.

Il s’est mis à parler de bonheur. Il a dit que c’était un devoir pour lui d’être heureux, qu’il écrivait de la poésie en trois langues parmi les cinq qu’il connaissait. Peut-être était-ce de la poudre aux yeux mais comment savait-il que j’écrivais moi aussi tous les soirs secrètement des poèmes inutiles et verdoyants ?

Il ne pouvait savoir. La vie savait, elle, vers qui elle m’entraînait ce jour-là sans prévenir. Un inconnu familier, un de ces êtres qu’on connait déjà avant de les rencontrer. Ils savent sans parler ce qui étreint le cœur, le presse jusqu’au vin de la grâce. Un instant partagé hors du monde, à se croire seuls et toute une vie à se raconter.

Aucun soleil ne pouvait arriver jusque là. Aucun soleil ne donnait autant de lumière que ses yeux noirs. Ses yeux éblouissants…

Illustration: Célébration de  Joseph Mallord William Turner

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20 juillet 2008

Ukiyo-e *

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Pivoines par Hokusai

Nous ne vivons que pour l’instant ou nous admirons la splendeur du clair de lune, de la neige, des fleurs de cerisiers et des feuilles colorées de l’érable. Nous jouissons du jour, enivrés par le vin, sans nous laisser dégriser par la misère qui nous fixe de son regard. Dérivant comme une calebasse emportée par le courant de la rivière, nous ne nous laissons pas décourager un seul instant. C’est ce qu’on appelle le monde flottant et éphémère.

Asai Ryoi, Récit du monde éphémère des plaisirs, Kyoto 1661

*ukiyo-e: Images du monde flottant

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qui dit que mes poèmes sont des poèmes?
mes poèmes ne sont pas des poèmes
si vous comprenez que mes poèmes ne sont pas des poèmes,
nous pourrons alors parler poésie

Ryokan, le moine fou (1758-1831)

Pour plus de détails sur le maître en estampe et le maître en haÏku allez donc faire un tour sur le blog d'Eva.

19 juillet 2008

La muse noire

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C'était une fille de couleur, d'une très haute taille, qui portait bien sa brune tête ingénue et superbe, couronnée d'une chevelure violemment crespelée et dont la démarche de reine, pleine d'une grâce farouche, avait quelque chose à la fois de divin et de bestial

Théodore de Banville

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Avec ses vêtements ondoyants et nacrés,
Même quand elle marche on croirait qu'elle danse,
Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés
Au bout de leurs bâtons agitent en cadence.

Baudelaire

On ne sait d'où elle vient, ni le nom qu'elle portait réellement. Jeanne Duval est une muse noire. Son mystère est assez grand pour laisser se déployer les mots du poète. Elle danse dans les vers de Baudelaire, déployant ses parfums et sa chevelure.

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Certains ne voient rien d'autre qu'une mûlatresse boiteuse qui poursuit le poète de son avidité. Alors qu'elle est ce feu ténébreux qui veille dans le regard de Baudelaire.

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Nul ne sait, même pas lui-même, que la femme sauvage est porteuse d'un germe et qu'à travers Jeanne Duval et ses autres maîtresses comme la muse Sabatier mordue par le serpent, il cherche désespérément la terre promise vers laquelle poètes et mystiques tendent irrémédiablement.

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Cette terre devinée derrière la ligne d'horizon, et qui rend l'être extatique, "heureux comme avec une femme"comme l'exprime un autre poète maudit. Là est sans doute le secret de l'amour, ce retour à la source qu'on devine sous la peau caressée mais à laquelle on accède seulement si le coeur est libéré de ses fantômes sournois.

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La femme est une porte. Comme un symbole, elle montre la direction vers cette Terre désirée mais n'est pas une fin en soi. Si l'homme s'enchaîne au symbole, la quête devient enfermement et l'amour, une mortelle dépendance. La femme devient alors un spectre qui hante le poète, comme une terre stérile sur laquelle rien ne pousse à part des fleurs...du mal.

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Dans l'atelier du peintre de Gustave Courbet, Jeanne Duval se tenait à l'origine aux côté de Baudelaire. Le peintre a tenté en vain de l'effacer. Son empreinte demeure dans l'aura du poète et forme avec lui ce couple boiteux, innacompli mais créateur d'une queête sublime et inachevée.

(on la distingue sur la droite de la toile à côté du poète...)

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Dessins de Jeanne Duval et Autoportraits de Baudelaire

18 juillet 2008

Qui est-elle?

Manet

Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.

Charles Baudelaire

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Qui est cette femme qui fascine tant le poète aux yeux noirs?

17 juillet 2008

Comment dire...

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Comment dire

Où trouver les mots pour broder l’indicible

Broder sur tes yeux la trame du non-sens

Te dire comment le vent m’a emportée

Et mon cœur tournoyant

Mon être en cerf-volant dans le jour éclaté

D’or

Comment t’offrir l’instant

Où je suis

Autrement et semblable

Mon essence oriflamme sur l’horizon flambant

Ecartelée de chair et de souffrances folles

Je me suis éperdue

D’amour

Mon centre palpitant

Cœur

Fleur indécente

Organe cramoisi

D’ivresses

Battantes

Sauvages

O ma main racine

Qui empoigne la nuit

Floraison d’étoiles aux ramures du temps

J’ai humé l’absolu aux bordures de l’esprit

Qui dansait comme un feu

Derrière mes yeux d’aveugle

Comment leur dire ma mort

A eux qui ne sont pas vivants

Illustration: Hugo Simberg - The wounded Angel

16 juillet 2008

Cendrillon

Un homme riche avait une femme qui tomba malade; et quand celle-ci sentit sa fin prochaine, elle appela à son chevet son unique fille et lui dit: «Chère enfant, reste bonne et pieuse, et le bon Dieu t’aidera toujours, et moi, du haut du ciel, je te regarderai et te protégerai.» Puis elle ferma les yeux et mourut. La fillette se rendit chaque jour sur la tombe de sa mère, pleura et resta bonne et pieuse. L’hiver venu, la neige recouvrit la tombe d’un tapis blanc. Mais au printemps, quand le soleil l’eut fait fondre, l’homme prit une autre femme.

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La femme avait amené avec elle ses deux filles qui étaient jolies et blanches de visage, mais laides et noires de coeur. Alors de bien mauvais jours commencèrent pour la pauvre belle-fille. «Faut-il que cette petite oie reste avec nous dans la salle?» dirent-elles. «Qui veut manger du pain, doit le gagner. Allez ouste, souillon!» Elles lui enlevèrent ses beaux habits, la vêtirent d’un vieux tablier gris et lui donnèrent des sabots de bois. «Voyez un peu la fière princesse, comme elle est accoutrée!» s’écrièrent-elles en riant et elles la conduisirent à la cuisine. Alors il lui fallut faire du matin au soir de durs travaux, se lever bien avant le jour, porter de l’eau, allumer le feu, faire la cuisine et la lessive. En outre, les deux soeurs lui faisaient toutes les misères imaginables, se moquaient d’elle, lui renversaient les pois et les lentilles dans la cendre, de sorte qu’elle devait recommencer à les trier. Le soir, lorsqu’elle était épuisée de travail, elle ne se couchait pas dans un lit, mais devait s’étendre près du foyer dans les cendres. Et parce que cela lui donnait toujours un air poussiéreux et sale, elles l’appelèrent Cendrillon.

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Il arriva que le père voulut un jour se rendre à la foire; il demanda à ses deux belles-filles ce qu’il devait leur rapporter. «De beaux habits,» dit l’une. «Des perles et des pierres précieuses,» dit la seconde. «Et toi, Cendrillon,» demanda-t-il, «que veux-tu?» - «Père, le premier rameau qui heurtera votre chapeau sur le chemin du retour, cueillez-le pour moi.» Il acheta donc de beaux habits, des perles et des pierres précieuses pour les deux soeurs, et, sur le chemin du retour, en traversant à cheval un vert bosquet, une branche de noisetier l’effleura et fit tomber son chapeau. Alors il cueillit le rameau et l’emporta. Arrivé à la maison, il donna à ses belles-filles ce qu’elles avaient souhaité et à Cendrillon le rameau de noisetier. Cendrillon le remercia, s’en alla sur la tombe de sa mère et y planta le rameau, en pleurant si fort que les larmes tombèrent dessus et l’arrosèrent. Il grandit cependant et devint un bel arbre. Cendrillon allait trois fois par jour pleurer et prier sous ses branches, et chaque fois un petit oiseau blanc venait se poser sur l’arbre. Quand elle exprimait un souhait, le petit oiseau lui lançait à terre ce quelle avait souhaité.

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Or il arriva que le roi donna une fête qui devait durer trois jours et à laquelle furent invitées toutes les jolies filles du pays, afin que son fils pût se choisir une fiancée. Quand elles apprirent qu’elles allaient aussi y assister, les deux soeurs furent toutes contentes; elles appelèrent Cendrillon et lui dirent: «Peigne nos cheveux, brosse nos souliers et ajuste les boucles, nous allons au château du roi pour la noce.» Cendrillon obéit, mais en pleurant, car elle aurait bien voulu les accompagner, et elle pria sa belle-mère de bien vouloir le lui permettre. «Toi, Cendrillon,» dit-elle, «mais tu es pleine de poussière et de crasse, et tu veux aller à la noce? Tu n’as ni habits, ni souliers, et tu veux aller danser?» Mais comme Cendrillon ne cessait de la supplier, elle finit par lui dire: «J’ai renversé un plat de lentilles dans les cendres; si dans deux heures tu les as de nouveau triées, tu pourras venir avec nous.» La jeune fille alla au jardin par la porte de derrière et appela: «Petits pigeons dociles, petites tourterelles et vous tous les petits oiseaux du ciel, venez m’aider à trier les graines:

Les bonnes dans le petit pot,
Les mauvaises dans votre jabot.»

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Alors deux pigeons blancs entrèrent par la fenêtre de la cuisine, puis les tourterelles, et enfin, par nuées, tous les petits oiseaux du ciel vinrent en voletant se poser autour des cendres. Et baissant leurs petites têtes, tous les pigeons commencèrent à picorer : pic, pic, pic, pic, et les autres s’y mirent aussi: pic, pic, pic, pic, et ils amassèrent toutes les bonnes graines dans le plat. Au bout d’une heure à peine, ils avaient déjà terminé et s’envolèrent tous de nouveau. Alors la jeune fille, toute joyeuse à l’idée qu’elle aurait maintenant la permission d’aller à la noce avec les autres, porta le plat à sa marâtre. Mais celle-ci lui dit: «Non, Cendrillon, tu n’as pas d’habits et tu ne sais pas danser : on ne ferait que rire de toi.» Comme Cendrillon se mettait à pleurer, elle lui dit: «Si tu peux, en une heure de temps, me trier des cendres deux grands plats de lentilles, tu nous accompagneras.» Car elle se disait qu’au grand jamais elle n’y parviendrait. Quand elle eut jeté le contenu des deux plats de lentilles dans la cendre, la jeune fille alla dans le jardin par la porte de derrière et appela: «Petits pigeons dociles, petites tourterelles, et vous tous les petits oiseaux du ciel, venez m’aider à trier les graines:

Les bonnes dans le petit pot,
Les mauvaises dans votre jabot.»

Alors deux pigeons blancs entrèrent par la fenêtre de la cuisine, puis les tourterelles, et enfin, par nuées, tous les petits oiseaux du ciel vinrent en voletant se poser autour des cendres. Et baissant leurs petites têtes, tous les pigeons commencèrent à picorer: pic, pic, pic, pic, et les autres s y mirent aussi : pic, pic, pic, pic, et ils ramassèrent toutes les bonnes graines dans les plats. Et en moins d’une demi-heure, ils avaient déjà terminé, et s’envolèrent tous à nouveau. Alors la jeune fille, toute joyeuse à l’idée que maintenant elle aurait la permission d’aller à la noce avec les autres, porta les deux plats à sa marâtre. Mais celle-ci lui dit: «C’est peine perdue, tu ne viendras pas avec nous, car tu n’as pas d’habits et tu ne sais pas danser; nous aurions honte de toi.» Là-dessus, elle lui tourna le dos et partit à la hâte avec ses deux filles superbement parées.

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Lorsqu’il n’y eut plus personne à la maison, Cendrillon alla sous le noisetier planté sur la tombe de sa mère et cria:

«Petit arbre, ébranle-toi, agite-toi,
Jette de l’or et de l’argent sur moi.»

Alors l’oiseau lui lança une robe d’or et d’argent, ainsi que des pantoufles brodées de soie et d’argent. Elle mit la robe en toute hâte et partit à la fête. Ni ses soeurs, ni sa marâtre ne la reconnurent, et pensèrent que ce devait être la fille d’un roi étranger, tant elle était belle dans cette robe d’or. Elles ne songeaient pas le moins du monde à Cendrillon et la croyaient au logis, assise dans la saleté, a retirer les lentilles de la cendre. Le fils du roi vint à sa rencontre, a prit par la main et dansa avec elle. Il ne voulut même danser avec nulle autre, si bien qu’il ne lui lâcha plus la main et lorsqu’un autre danseur venait l’inviter, il lui disait: «C’est ma cavalière.»

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Elle dansa jusqu’au soir, et voulut alors rentrer. Le fils du roi lui dit: «Je m’en vais avec toi et t’accompagne,» car il voulait voir à quelle famille appartenait cette belle jeune fille. Mais elle lui échappa et sauta dans le pigeonnier. Alors le prince attendit l’arrivée du père et lui dit que la jeune inconnue avait sauté dans le pigeonnier. Serait-ce Cendrillon? se demanda le vieillard et il fallut lui apporter une hache et une pioche pour qu’il pût démolir le pigeonnier. Mais il n’y avait personne dedans. Et lorsqu’ils entrèrent dans la maison, Cendrillon était couchée dans la cendre avec ses vêtements sales, et une petite lampe à huile brûlait faiblement dans la cheminée; car Cendrillon avait prestement sauté du pigeonnier par- derrière et couru jusqu’au noisetier; là, elle avait retiré ses beaux habits, les avait posés sur la tombe, et l’oiseau les avait remportés; puis elle était allée avec son vilain tablier gris se mettre dans les cendres de la cuisine.

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Le jour suivant, comme la fête recommençait et que ses parents et ses soeurs étaient de nouveau partis, Cendrillon alla sous le noisetier et dit:

«Petit arbre, ébranle-toi, agite-toi,
Jette de l’or et de l’argent sur moi.»

Alors l’oiseau lui lança une robe encore plus splendide que celle de la veille. Et quand elle parut à la fête dans cette toilette, tous furent frappés de sa beauté. Le fils du toi, qui avait attendu sa venue, la prit aussitôt par la main et ne dansa qu’avec elle. Quand d’autres venaient l’inviter, il leur disait: «C’est ma cavalière.» Le soir venu, elle voulut partir, et le fils du roi la suivit, pour voir dans quelle maison elle entrait, mais elle lui échappa et sauta dans le jardin derrière sa maison. Il y avait là un grand et bel arbre qui portait les poires les plus exquises, elle grimpa entre ses branches aussi agilement qu’un écureuil, et le prince ne sut pas où elle était passée. Cependant il attendit l’arrivée du père et lui dit: «La jeune fille inconnue m’a échappé, et je crois qu’elle a sauté sur le poirier.» Serait-ce Cendrillon? pensa le père qui envoya chercher la hache et abattit l’arbre, mais il n’y avait personne dessus. Et quand ils entrèrent dans la cuisine, Cendrillon était couchée dans la cendre, tout comme d’habitude, car elle avait sauté en bas de l’arbre par l’autre côté, rapporté les beaux habits à l’oiseau du noisetier et revêtu son vilain tablier gris.

Le troisième jour, quand ses parents et ses soeurs furent partis, Cendrillon retourna sur la tombe de sa mère et dit au noisetier:

«Petit arbre, ébranle-toi, agite-toi,
Jette de l’or et de l’argent sur moi.»

Alors l’oiseau lui lança une robe qui était si somptueuse et si éclatante qu’elle n’en avait encore jamais vue de pareille, et les pantoufles étaient tout en or. Quand elle arriva à la noce dans cette parure, tout le monde fut interdit d’admiration. Seul le fils du roi dansa avec elle, et si quelqu’un l’invitait, il disait: «C’est ma cavalière.»

Quand ce fut le soir, Cendrillon voulut partir, et le prince voulut l’accompagner, mais elle lui échappa si vite qu’il ne put la suivre. Or le fils du roi avait eu recours à une ruse : il avait fait enduire de poix tout l’escalier, de sorte qu’en sautant pour descendre, la jeune fille y -avait laissé sa pantoufle gauche engluée. Le prince la ramassa, elle était petite et mignonne et tout en or. Le lendemain matin, il vint trouver le vieil homme avec la pantoufle et lui dit: «Nulle ne sera mon épouse que celle dont le pied chaussera ce soulier d’or.» Alors les deux soeurs se réjouirent, car elles avaient le pied joli. L’aînée alla dans sa chambre pour essayer le soulier en compagnie de sa mère. Mais elle ne put y faire entrer le gros orteil, car la chaussure tait trop petite pour elle; alors sa mère lui tendit un couteau en lui disant: «Coupe-toi ce doigt; quand tu seras reine, tu n’auras plus besoin d’aller à pied.» Alors la jeune fille se coupa l’orteil, fit entrer de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s’en alla trouver le fils du roi. Il la prit pour fiancée, la mit sur son cheval et partit avec elle. Mais il leur fallut passer devant la tombe; les deux petits pigeons s’y trouvaient, perchés sur le noisetier, et ils crièrent:

«Roucou-cou, roucou-cou et voyez là,
Dans la pantoufle, du sang il y a:
Bien trop petit était le soulier;
Encore au locendrillon___walter_cranegis la vraie fiancée.»

Alors il regarda le pied et vit que le sang en coulait. Il fit faire demi-tour à son cheval, ramena la fausse fiancée chez elle, dit que ce n’était pas la véritable jeune fille et que l’autre soeur devait essayer le soulier. Celle-ci alla dans sa chambre, fit entrer l’orteil, mais son talon était trop grand. Alors sa mère lui tendit un couteau en disant: «Coupe-toi un bout de talon; quand tu seras reine, tu n’auras plus besoin d’aller à pied.» La jeune fille se coupa un bout de talon, fit entrer de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s’en alla trouve le fils du roi. Il la prit alors pour fiancée, la mit sur son cheval et partit avec elle. Quand ils passèrent devant le noisetier, les deux petits pigeons s’y trouvaient perchés et crièrent:

«Roucou-cou, Roucou-cou et voyez là,
Dans la pantoufle, du sang il y a:
Bien trop petit était le soulier;
Encore au logis la vraie fiancée.»

Le prince regarda le pied et vit que le sang coulait de la chaussure et teintait tout de rouge les bas blancs. Alors il fit faire demi-tour à son cheval, et ramena la fausse fiancée chez elle. «Ce n’est toujours pas la bonne,» dit-il, «n’avez-vous point d’autre fille?» - «Non,» dit le père, «il n’y a plus que la fille de ma défunte femme, une misérable Cendrillon malpropre, c’est impossible qu’elle soit la fiancée que vous cherchez.» Le fils du roi dit qu’il fallait la faire venir, mais la mère répondit: «Oh non! La pauvre est bien trop sale pour se montrer.» Mais il y tenait absolument et on dut appeler Cendrillon. Alors elle se lava d’abord les mains et le visage, puis elle vint s’incliner devant le fils du roi, qui lui tendit le soulier d’or. Elle s’assit sur un escabeau, retira son pied du lourd sabot de bois et le mit dans la pantoufle qui lui allait comme un gant. Et quand elle se redressa et que le fils du roi vit sa figure, il reconnut la belle jeune fille avec laquelle il avait dansé et s’écria: «Voilà la vraie fiancée!» La belle-mère et les deux soeurs furent prises de peur et devinrent blêmes de rage. Quant au prince, il prit Cendrillon sur son cheval et partit avec elle. Lorsqu’ils passèrent devant le noisetier, les deux petits pigeons blancs crièrent:

«Rocou-cou, Roucou-cou et voyez là,
Dans la pantoufle, du sang plus ne verra
Point trop petit était le soulier,
Chez lui, il mène la vraie fiancée.»

Et après ce roucoulement, ils s’envolèrent tous deux et descendirent se poser sur les épaules de Cendrillon, l’un à droite, l’autre à gauche et y restèrent perchés.

Le jour où l’on devait célébrer son mariage avec le fils du roi, ses deux perfides soeurs s’y rendirent avec l’intention de s’insinuer dans ses bonnes grâces et d’avoir part à son bonheur. Tandis que les fiancés se rendaient à l’église, l’aînée marchait à leur droite et la cadette à leur gauche : alors les pigeons crevèrent un oeil à chacune celles. Puis, quand ils s’en revinrent de l’église, l’aînée marchait à leur gauche et la cadette à leur droite : alors les pigeons crevèrent l’autre oeil à chacune d’elles. Et c’est ainsi qu’en punition de leur méchanceté et de leur perfidie, elles furent aveugles pour le restant de leurs jours.

Conte des frères Grimm

Voici le conte de Cendrillon selon les frères Grimm. Tout cela aussi un peu grâce aux images envoyées gracieusement par Oursonne que je voulais mettre en scène et en conte.

J'espère que ce conte ouvrira des portes secrètes dans vos coeurs comme il l'a fait dans le mien.

Illustrations:

Image 1 Caspar David Friedich

Images 2,4,5,6,7,8  gracieusement fournies par Oursonne virtuose de la douceur

Image 3  Sandrine Mercier et sa boite à ficelles enchantée

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